Le Mali demande à la France de retirer ses soldats “sans délai”

Dans un communiqué lu à la télévision nationale, le porte-parole du gouvernement installé par les militaires, le colonel Abdoulaye Maïga, qualifie l’annonce du désengagement français de “violation flagrante” des accords entre les deux pays. Il dit aussi que les résultats de neuf ans d’engagement français au Mali “n’ont pas été satisfaisants”.

“Au regard de ces manquements répétés (aux) accords de défense, le gouvernement invite les autorités françaises à retirer, sans délai, les forces Barkhane et Takuba du territoire national, sous la supervision des autorités maliennes”, dit le colonel Maïga.

Le président français a rejeté la demande. “La réarticulation du dispositif (…) s’appliquera en bon ordre afin d’assurer la sécurité de la mission des Nations unies et de toutes les forces déployées au Mali. Je ne transigerai pas une seconde sur leur sécurité”, a-t-il dit lors d’une conférence de presse à l’issue du 6e sommet entre l’UE et l’Union africaine à Bruxelles.

La demande de retrait immédiat de la part des colonels arrivés au pouvoir par la force en août 2020 est un nouveau défi à l’ancien partenaire français, après des mois d’escalade des tensions.

Quelque 2.400 militaires français sont déployés au Mali, sur un total de 4.600 au Sahel. Le désengagement de ces hommes, le démantèlement de leurs bases, ainsi que l’évacuation des matériels, dont des centaines de véhicules blindés, représentaient déjà en soi un chantier colossal et dangereux.

C’est aussi une nouvelle donne pour les quelque 15.000 soldats de la force de l’ONU (Minusma). Les forces françaises sont autorisées à intervenir en appui des Casques bleus “en cas de menace grave et imminente”.

Le président français avait indiqué jeudi que la fermeture des trois bases de Gao, Ménaka et Gossi, s’étalerait sur quatre à six mois.

La junte n’a cessé de compliquer les opérations de la France, mais aussi de ses partenaires et des forces étrangères au Mali depuis des semaines, poussant vers la sortie le contingent danois du groupement de forces spéciales européennes Takuba initié par la France, ou bien instaurant des demandes d’autorisation préalables de vol.

Les militaires se réclament de la souveraineté nationale.

La France et ses partenaires européens ont officialisé jeudi leur retrait militaire du Mali, conduisant les autres acteurs étrangers à s’interroger ouvertement sur leur engagement, et la Minusma à étudier l’impact de ce désengagement.

Français et Européens ont invoqué les “multiples obstructions des autorités” maliennes.

Crises multiples

Paris et ses partenaires souhaitent toutefois “rester engagés dans la région” sahélienne et “étendre leur soutien aux pays voisins du Golfe de Guinée et d’Afrique de l’Ouest”, où les jihadistes menacent de se disséminer, selon une déclaration conjointe signée par 25 pays européens, africains et le Canada.

La France et les Occidentaux dénoncent l’appel fait, selon eux, par les autorités maliennes au groupe de sécurité privée russe Wagner, aux agissements controversées. Les autorités maliennes assurent ne pas recourir à des mercenaires et parlent de coopération d’Etat à Etat avec la Russie.

La France, les Etats ouest-africains et une partie de la communauté internationale se sont émus par ailleurs que les militaires révoquent leur engagement initial à organiser en février 2022 des élections qui auraient ramené les civils au pouvoir, et qu’ils entendent à présent rester encore plusieurs années.

La junte invoque la nécessité de profondes réformes et s’arcboute sur la souveraineté nationale depuis que la communauté des Etats ouest-africains a infligé au Mali de lourdes sanctions économiques et diplomatiques le 9 janvier. Elle accuse la France d’instrumentaliser contre elle les organisations africaines.

Le Mali est en butte aux agissements des groupes jihadistes affiliés à Al-Qaïda et à l’organisation Etat islamique. Ces groupes attaquent les forces maliennes et étrangères mais se livrent aussi une guerre de territoire.

Une quarantaine de civils maliens ont été tués en début de semaine dans le nord par un groupe affilié à l’organisation Etat islamique qui les accusait de complicité avec leurs rivaux jihadistes, dans une région du nord théâtre de combats entre les deux bords ces dernières semaines, a appris l’AFP vendredi de différentes sources locales.

Le Mali est aussi en proie aux violences communautaires et crapuleuses, ainsi qu’à une crise politique, économique et humanitaire profonde.